Il s'agit d'un roman satirique qui traite avec humour, ironie et dérision les comportements des individus, notamment à l'occasion du séjour d'un étudiant noir en France.Morceau choisi :
Après le Trocadéro, le meeting suivant devait avoir lieu à la Bastille. Doudou, un étudiant noir arrivé il y a quelques jours en France, décida de ne pas le manquer. Le voilà donc déambulant dans la rue, en route pour la grande place. Mais, erreur d’orientation, il ne retrouvait plus son chemin. Il voulut se renseigner. Une dame d’un certain âge, justement, venait à sa rencontre. Il l’interpella pour demander :
- Excusez-moi, Madame, pouvez-vous m’indiquer quel est le bus qu’il faut prendre pour se rendre à la Bastille ?
La bonne dame ne daigna pas lui répondre. Elle continua, imperturbable et impénétrable, sa route sans dévier de sa trajectoire comme la fusée Apollo dans l’atmosphère. Doudou en fut réduit à faire des hypothèses :
Soit c’était une sourde-muette, empêchée par sa surdité de l’entendre ou par son mutisme de lui répondre ; soit c’était une sainte personne, habitée par le saint Esprit, récitant en son for intérieur une sainte prière et qui ne voulait pas être distraite par les bassesses de ce monde; soit c’était, tout simplement, une vilaine personne, affligée d’un vilain sentiment qu’on appelle le racisme, pensant dur comme fer que la hiérarchie des choses de la terre était la suivante :
• En première position : le Bon Dieu en trois personnes ;
• En deuxième position : les anges et les archanges ;
• En troisième position : l’homme blanc fait l’image de Dieu ;
• En dernière position : les Noirs, les Arabes et les animaux, des copies mal copiées de notre Dieu, ou pire, des copies certifiées conforme du diable en personne, ou encore, des hommes-singes qui viennent juste de descendre des arbres.
Doudou ne s’attarda pas pour résoudre cette équation à trois inconnues. D’ailleurs, il ne faut jamais perdre son temps à chercher des solutions à des problèmes à solutions multiples. La nature, du reste, répond toujours aux questions qu’elle pose, surmonte les obstacles qu’elle dresse, harmonise les contradictions qu’elle aiguise et redresse les situations qu’elle tort. Ceci relève de sa dialectique propre.