Ils se sont rencontrés sur une plage en juillet, assez banal, hormis que c'est une plage naturiste, en Camargue. Elle est plutôt petite, brune aux cheveux raidis au lisseur, la peau mate des amazones du Sud, les yeux vert-bouteille mouchetés de bleu et de jaune doré. Il est brun, la boule à zéro entretenue tout comme sa barbe de trois jours, un bon mètre quatre vingt, le dos musclé et la bedaine naissante, la peau lisse et caramel des méditerranéens, un peu plus jeune qu'elle. Commerciaux tous les deux, elle dans un laboratoire pharmaceutique, lui dans les verres industriels, ils se sont plus très vite. Il faut dire qu'ils se sont jugés sur pièces à la première minute, même si la rencontre a été courtoise. C'est elle qui a pris les devants.
Il était installé à l'abri du vent et des regards derrière une dune, allongé sur le dos, dans son plus simple appareil, sur son drap de bain, la nuque calée par son petit sac à dos. Elle marchait lentement, en recherche d'un endroit tranquille où poser sa serviette après un bain mouvementé. La tramontane était violente en ce jour de pleine lune. Le sable se soulevait par bourrasques et se fichait dans ses yeux derrière ses carreaux fumés. Bien que nue, elle s'était emmitouflée dans sa serviette colorée, son grand sac de plage en bandoulière et progressait pas à pas, avec difficulté dans ce sable mou. Les voyeurs guettaient, sillonnant la plage dans leurs 4x4 de luxe, la bedaine contre le volant, les couilles à l'air, le cigare Rio au coin de la bouche, calé entre deux dents pourries. En empruntant la dune, bien que la progression soit plus pénible, elle leur échappait et dominait la situation. Elle aimait bien dominer parfois.