CHAPITRE 1
Ce fut un samedi de septembre 2010. Il était précisément 6 h du matin, et nous étions une cinquantaine de candidats en quête d’un emploi. Le Boulevard Alfred Raoul, fut le point de rassemblement qui nous avait été communiqué au téléphone par l’opérateur de la société en charge du recrutement. Les consignes de ce dernier étaient claires et précises : « Au moindre retard, à la moindre maladresse, ou indélicatesse, le candidat verra son nom être purement et simplement rayé de la liste ».
A défaut de trouver mieux ailleurs, postuler au poste d’agents de sécurité, était une opportunité à ne pas rater. Alors, pour faire bonne impression, nous étions donc super excités. Non pas parce que nous étions passionnés de ce job, mais parce que celui-ci était l’unique alternative, un refuge en quelque sorte, pour tous les oubliés de la fonction publique.
Ce métier en pleine expansion, consiste à sécuriser des personnes et des biens, dans des espaces publics ou privés, à travers des contrôles d’accès, une gestion des risques ainsi que l’escorte des fonds et des pierres précieuses.
Le test de recrutement, devrait se dérouler en deux phases : l’épreuve d’aptitude physique, à travers une course marathon chronométrée, ainsi que l’épreuve écrite avec une dictée et une rédaction.
Le groupe était composé d’hommes qui, à les voir, étaient plus âgés que moi. Il y avait des diplômés finalistes ou non, des retraités, des cadres au chômage dans divers domaines comme la médecine, la finance, les nouvelles technologies de l’information et de la communication…
Je ne saurais dire que je fus un « grand athlète », mais à vingt-deux ans avec une taille d’un mètre soixante-quinze, pour soixante Kilos, non-fumeur, ni consommateur d’alcool, je dirais plutôt que j’avais« la silhouette idéale » pour ce genre d’exercice. Le signal de départ fut donné, nous nous lançâmes dans la course.
Je courrai alors, sans ne me soucier de rien ; j’étais confiant et déterminé à décrocher ce job qui devrait en quelque sorte changer ma vie, et m’assurer un avenir meilleur. Encadrés par deux véhicules de la société parmi lesquels, un bus qui devrait se charger d’embarquer tous ceux qui pouvaient éventuellement abdiquer, notre itinéraire formait un cercle. Du Boulevard Denis Sassou NGuesso, on devrait contourner le rond-point de l’aéroport Maya-Maya, longer l’avenue de l’aéroport, en passant par l’avenue dite des « dix maisons », et par la commune de Moungali, ensuite prendre l’avenue de la paix, puis celle des trois martyrs, et enfin revenir devant le parvis de la cour constitutionnelle.
Bercés par le bruit harmonieux de nos pas sur le macadam, nous étions tous devenus silencieux. Cette tranquillité que nous infligeait la fatigue, nous laissait indifférents face aux phrases du genre « Mana lou mana yo » tiré du « Lari » et qui signifie« Vous devriez la terminer », que nous lançaient certains passagers à bord des bus. Dans un sens plus large, cette phrase teintée d’ironie voulait aussi dire que « Qui cherche trouve, et qui trouve supporte ». D’autres par contre, nous encourageaient avec des phrases fortifiantes comme « Courage ! » ou « La vie appartient à ceux qui luttent ».
Cette belle citation de Victor Hugo avait eu une forte résonnance dans ma tête, car lutter était devenu « ma raison de vivre ». Né d’un père charpentier, alcoolique-colérique et d’une mère institutrice, je n’avais pas eu ce qu’on peut appeler « une enfance apaisée ». D’abord, à cause des disputes sempiternelles tous les soirs entre maman et papa lorsque celui-ci était rentré tard et saoul, ou n’avait rien laissé pour le repas de midi. Alors, maman essayait de noyer son chagrin en déversant sur papa, des insultes les plus humiliantes, ou des propos de malédiction, au grand plaisir des voisins.
Ce qui avait abouti à la séparation de ces derniers, qui avait carrément changé le cours de mon destin. Je m’étais très vite mis au travail. Car seul le travail me procurait de la dignité, et de la