22h00. Le thé vient d’être pris dans le petit salon. La mère de Marion emprunte seule le grand escalier en marbre de Carrare qui prolonge l’entrée principale. Sa fille est restée dans son canapé, un petit livre jaune à la main. Elle en est à la moitié à vue de nez. Cet ouvrage semble la captiver. Elle finit par positionner un marque-page et le refermer, l’air apaisée. “ Sun Tzu était un grand maître ” se murmure-t-elle intérieurement. Elle pose le livre à côté d’elle avant de se frotter énergiquement les yeux, comme on s’étire après un long sommeil. Ses pensées sont encore emplies des versets de “ l’art de la guerre ”. Un texte méconnu en occident et si essentiel dans la compréhension de l’histoire de Chine. Elle saisit à nouveau l’ouvrage et se lève en direction de la double porte pour suivre les pas de sa mère.

Elle traverse l’entrée, monte lentement l’escalier majestueux. Ses escarpins résonnent sur le palier du premier étage. Elle s’arrête un instant, regarde la lumière bleue de la lune à travers la fenêtre surplombant l’escalier d’honneur. Elle est presque pleine. La lumière du couloir s’allume d’elle-même comme si elle l’attendait. Marion s’avance d’un pas posé sur le tapis de laine épaisse. Ses talons s’y enfoncent avec délectation comme des pieds nus dans l’herbe grasse encore fraîche de rosée. Elle passe devant la chambre de sa mère. Aucune lumière sous sa porte close. Puis, elle dépasse son bureau et arrive à sa chambre. La double-porte s’ouvre sans bruit lorsqu’elle tourne la poignée de porcelaine blanche aux motifs bleus de Chine. Son livre à la main, elle reste immobile dans la pénombre. La lune n’entre pas de ce côté de la bâtisse. Seuls ses reflets sur les feuilles des arbres de la haie d’honneur la trahissent. L’espace de quelques instants, les yeux de Marion s’habituent à cette nouvelle clarté.

Extrait du roman érotique "Résurrections"