Au début des années 1990, les flics s'appellent inspecteurs, inspecteurs principaux, commissaires et les grades militaires n'ont pas encore envahi la police... C'est pas New York City. C'est Saint-Denis, France.
Les jardins ouvriers peinent à survivre à la désintégration de l'URSS. Mais pas les meurtriers. Alors lorsque Léon Duchemin découvre une petite main terreuse au beau milieu de ses rangées de choux, il lui vient l'envie de se ranger des potagers...
Dans ce petit polar un peu nostalgique, quoique pas trop non plus, Condie Raïs rend hommage à quelques auteurs que l'on reconnaîtra... Ou pas.
Extrait :
"C'est une main.
Petite, blanche, bien lavée par la pluie, trop grosse pour appartenir à une poupée.
Et depuis quand de toutes façons les poupées ont-elles de ces doigts fins aux ongles vernis de rouge vermillon ? Avec des bagues en toc à chaque phalange ? Et des mitaines noires en dentelle ? Comme Madonna ?
Léon sent son coeur lui remonter dans la gorge. Les cheveux qui lui restent se dressent douloureusement sur son crâne tandis qu'une main glacée lui saisit les couilles. Il s'efforce de respirer doucement, il a surtout la trouille à cause de cette douleur qui lui remonte le long du bras, c'est pas normal. Il ferme les yeux et compte jusqu'à trois.
Un...
Lorsqu'il les rouvre, la douleur s'est estompée, c'est déjà ça, mais ses testicules refusent de redescendre à leur place.
Deux...
Il balaie d'un faisceau tremblotant la surface grumeleuse et mouillée du monticule, évalue mentalement la grosseur de la chose qui repose là-dessous, sous une couche de terre froide et détrempée, et ça lui fout les jetons.
Trois...
Et lorsqu'il distingue à quelques centimètres de cette horrible main d'enfant un visage maculé de terre, il s'arrache du sol d'un seul coup et s'élance hors de son potager comme si le Diable était sur ses talons. Léon Duchemin cavale dans la nuit aussi vite que sa carcasse de vieillard le lui permet, la main toujours crispée sur sa lampe de poche."