1/08/14 : Nouvelle version revue et corrigée.
Un meurtre dont le mort n'a pas conscience de son état, dans le milieu de l'art contemporain parisien, avec pour enquêteur un journaliste indépendant à la dérive, ancien inspecteur du Quai des Orfèvres.
Les thèmes principaux sont l'art au sens conceptuel et événementiel, la performance artistique, et l'addiction. En effet, les morceaux du corps sont mis en scène et retrouvés un à un. Certains organes deviennent la base chimique d'une nouvelle drogue dont la principale propriété est de permettre à l'enquêteur de dialoguer avec la victime et d'accéder à sa mémoire. L'effet indésirable en est l'addiction instantanée du sujet.
Extrait :
Ma tête. Que m'arrive-t-il ? Je n'y vois rien. J'ai si chaud. Et cette odeur bizarre qui semble s'imprégner partout autour de moi, en moi, ces aromates qui me rappellent l'Asie, l'Indonésie pour être précis. Ces voyages me manquent. Que s'est-il passé ? Il fait si noir. Et cette affreuse migraine. Enfin, c'est plus diffus et entêtant qu'une migraine normale. Suis-je vraiment là ou est-ce un mauvais rêve qui va bientôt se terminer ? Et cette chaleur si moite, j'en sue littéralement, j'étouffe. Je devrais me pincer, mais je sens mes membres et ne les ressens pas. Difficile à expliquer, à comprendre. En tout cas, je ne les contrôle plus, ils ne répondent plus à mes commandements. Et ces aromates, ce bruit lancinant de bouillonnement. J'étouffe. J'aimerais crier, me réveiller. Rien ne sort de mes cordes vocales et pourtant, je m'entends parfaitement dans ma tête. Je ne dois pas paniquer. Concentre-toi. J'entends des bruits, des voix familières, feutrées, si lointaines, assourdies et cet écho que je reconnais, comme si j'étais dans sa cuisine, mais l'obscurité est totale. Je voudrais me gratter l'oreille, éponger mon front qui n'en finit pas de dégouliner dans mes yeux. Ils me brûlent. Je n'y parviens pas. Mais pourquoi ?
Rassemble tes souvenirs récents. J'ai besoin de comprendre, reconstituer le film de cette soirée, ce qui m'a amené là. D'ailleurs, je ne sais même pas où je suis et cette obscurité m'angoisse. Concentre-toi ! Oublie cette migraine insupportable. Comme si tout mon cerveau enflait et se rétractait sur mon crâne. Je n'arrive même pas à localiser précisément cette douleur. Elle enserre toute ma tête. Je dois me concentrer. Où étais-je la dernière fois que j'ai été conscient ? A cette fête, chez elle. Qui, elle ? Calme-toi. Elle, Ciara, la brune irlandaise, ma chère et tendre. Ma tête. Et ces échos, ce sont les mêmes que ceux de sa cuisine toute bleue. Concentre-toi. La fête. Je les entends rire dans cette cuisine si familière. Rire n'est pas le mot, mais les échanges sont endiablés. Ils ne sont pas en train de s'engueuler. La musique de leurs mots assourdis est rythmée, survoltée même. Ouvre les yeux ! Peine perdue. C'est toujours aussi noir. Même pas sombre, noir.
Alors la fête, chez elle. Aurais-je pris quelque chose ? Ils savent bien que je ne joue pas avec ces substances. Elle m'avait bien parlé de pilules, de rails de coke, mais c'est leur truc à eux. A moins qu'ils m'en aient donné à mon insu. C'était une de ces fêtes qu'ils organisent chez elle presque tous les mois. De toute façon, c'est toujours chez elle. C'est le QG du groupe. Oh ma tête. Mon dieu, mais donnez-moi une aspirine ou quelque chose pour faire passer cette migraine affreuse ! Personne ne m'entend. Evidemment. Et il fait si chaud là-dedans. J'ai soif et sue comme jamais. Ca pue !
Peut-être suis-je à l'hôpital. Pas possible. Si c'était le cas, j'entendrais d'autres sons, d'autres voix. Et cette odeur d'aromates, comme dans un bouillon. Oui, c'est cela, un bouillon qui mijote pendant des heures. Il faut vraiment que j'arrête de délirer, que je reprenne pied, que je me réveille au fond de son lit, sous sa couette trop chaude. C'est ça, je dois être sous sa couette et j'ai trop chaud. Ce n'est pas logique.
Et après ? Un jour, je te mangerai.