Yves,
Excuse-moi de bouder les salutations d’usage et d’y aller sans autres formes de procès. Je viens de mettre un mot sur ce qui trébuche sur mes sens. Je suis victime d’un abus sexuel. Cela pourrait te paraître insolite. Mais ma femme me viole.
Parce que la société soutient qu’il est infaisable qu’une femme abuse d’un homme, je le croyais aussi jusqu’à ce que je ne tombe, il y a quelques jours, sur une assistante sociale qui m’a explicité ma situation. Elle a écouté attentivement le requiem de mon âme. Elle m’a dit que j’étais victime d’un viol conjugal. Tout ce qui m’arrivait n’était qu’un écho sonore inconscient des séquelles du viol. Et je ne me suis même pas rendu compte que je m’abhorrais. Le fait que je sois devenu anorexique. Le fait que je me culpabilisais. Le fait que je sois malheureusement devenu un as de la masturbation. Le fait que je porte atteinte à l’intégrité physique de mon phallus.
Je ne te cacherai pas que cette révélation m’est tombée sur la tête telle une berline sur une pastèque mûre. Et des personnes endurcies nous font gober qu’un homme devrait avoir honte de dire qu’il est violé. Qu’un homme a toujours envie.
Je puis te dire que je fus un peu soulagé par cette révélation. Elle m’a introduit dans un groupe anonyme de personnes abusées sexuellement, un groupe de parole.
Cela me fera une heureuse aura de te rencontrer. Excuse-moi de te le dire de cette manière, de te surprendre. Mais tu es mon meilleur ami. J’ai besoin de parler à quelqu’un. Je serai dans ton restaurant demain aux environs de sept heures. J’espère que tu ne me poseras pas un lapin.
A notre amitié,
Teddy