13h30. Le déjeuner a été comme d’habitude : sans saveur particulière. J’ai eu une pilule de moins cependant. Une autre preuve que mon évaluation s’est bien passée. De peur de me faire voler mon livre, je l’ai emporté avec moi à la salle à manger. Nathalie l’a remarqué en venant débarrasser la table et m’a lancé un petit sourire complice. Je me suis pris à la regarder s’éloigner avec mon plateau. Elle a de belles hanches et la taille fine sous sa blouse blanche. Sa coupe de cheveux met en valeur sa nuque à la grâce digne d’une danseuse classique. Elle a un port de tête royal qui accentue sa cambrure et le bombé de ses petites fesses. C’est une fausse maigre. Ses mollets, moulés dans des bas ou des collants blancs translucides, sont musclés. Leur galbe serait mieux mis en valeur si elle portait des talons. Mais ses petites baskets blanches lui donnent cet air de garçon manqué qui fait tout son charme. Un jour, je lui masserai les pieds. Ils ont l’air menu et nerveux. Elle se retourne avant de quitter la salle à manger. Je baisse les yeux sur mon livre fermé, faisant mine de ne pas la regarder. J’espère que mon trouble ne se lit pas sur mon visage. Elle ne me connaît pas encore. J’attends qu’elle soit sortie pour me lever de table. Le soleil, qui traverse la baie vitrée, a la couleur de l’hiver. Il est triste et chargé de mélancolie. Les autres mangent encore, à leur rythme, avec leurs tics et leurs tocs. J’ai toujours du mal à m’y faire, bien qu’ils soient tous relativement calmes pour une fois. Le rituel du déjeuner et la prise de pilules doit les ancrer dans une forme de réalité qui les rassure. A les voir, cela m’angoisse plus qu’autre chose. En sortant de la salle à manger, je jette un œil furtif vers la salle télé, mais ma décision est déjà prise. Je prends la direction opposée et me réfugie dans ma chambre sans même griller une cigarette.

Extrait du roman érotique "Résurrections"
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