Au beau milieu de l'été, j'avais tenu à lui faire la surprise : c'était son anniversaire. Au printemps, nous avions déliré, partant du même désir de partager notre premier week-end loin de Paris. Il y avait pensé le dimanche et je lui en avais parlé le lundi. Dans la nuit du mardi, chacun dans nos chez nous respectifs, nous avions cherché sur internet, nous envoyant des liens vers des chambres d'hôtes de diverses régions, plus ou moins éloignées, plus ou moins chères, plus ou moins originales, échangeant nos avis, affinant une première sélection sans trop nous censurer sur les prix. Nous avions quelques critères prioritaires : une piscine où nous délasser, du beau temps et de la chaleur, un design différent des hôtels classiques, la nature la plus vierge et sauvage possible. Nous avions déjà parlé à plusieurs reprises de notre désir de faire l'amour en plein air, de diverses manières, dans divers lieux, de partager nos ébats avec les essences même de la terre, les éléments bruts et communier avec un paysage à couper le souffre. Nous en étions au fantasme pur et dur, aboutissement d'un printemps pluvieux qui avait succédé à un hiver froid et humide. Nous voulions du torride pour notre premier week-end en amoureux loin de la ville, rien que nous deux, perdus au milieu de rien, comme si le monde tout entier nous appartenait, Adam et Eve au pays d'Eden.
Nous avions été séparés six longues semaines à cause de mes vacances dans ma famille. Heureusement, nous avions pris le temps de nous organiser avant mon départ afin de rester en communication, lui resté à Paris et moi dans mon pays natal, sur mon île au beau milieu de la mer Egée. Six semaines ballotée pendant la journée par ma famille proche tout autant qu'éloignée, les cousines, les tantes, les grand-mères. Un monde exclusivement féminin, les hommes s'étant expatriés depuis longtemps pour gagner la pitance. Le soir, nous nous mettions à communiquer. Je me posais sur mon lit d'enfance, enfin seule, la fenêtre grande ouverte laissant entrer un filet d'air marin. J'allumais mon ordinateur portable, craignant que la connexion soit perdue, me précipitant au gré du débit de la communication sur mon mail. Chaque jour, depuis son réveil, il me déposait des petits mots, m'exprimant son manque de moi, ses manifestations physiques et concrètes, ses idées pour mon retour, ses envies. Après le diner, je savais qu'il était là, guettant mon arrivée, prenant en compte l'heure de décalage que nous avions.