Lecteur, disons le d’emblée : libérer une entreprise consiste à faire accroire que patrons et salariés sont intrinsèquement égaux et que le pouvoir est enfin partagé. En réalité, les dirigeants d’entreprise libérées renforcent leur pouvoir de façon très subtile. Comment ? En abandonnant à leurs collaborateurs des domaines de décisions et de réflexion où ces derniers sont généralement plus compétents, et où le pouvoir du dirigeant ne s'exerce plus vraiment. La réussite d’un tel “coup” dépend pour l’essentiel de la capacité du dirigeant à donner une signification précise à cet abandon : il doit réussir à convaincre ses collaborateurs du fait que son geste est fondé sur son désir de les libérer, et non sur un calcul d’intérêt.
Une libération réussie permet d’engager les salariés sans avoir besoin de recourir soi-même aux méthodes coercitives qui ont fait la preuve de leur inefficacité ces dernières années. L’entreprise libérée n’est pas, comme certains idéalistes l'imaginent, le Grand Soir de l’histoire du capitalisme, ce n’est que sa mise en scène par d’ingénieux illusionnistes.