SMS d'Alicia, déjà. Pas le temps de répondre. Et puis, je la trouve un peu empressée. Quelques scrupules aussi pour Willy ? Non. Juste besoin de me concentrer sur l'affaire pour quelques heures.
L'ADN. Je crois qu'on lui donne beaucoup trop d'importance. Il ne faut pas occulter les autres éléments. Il y a visiblement une mise en scène multiple pour un seul meurtre. Un rapport avec l'art d'une manière ou d'une autre, l'art dit contemporain. Cela pourrait être comme une installation. Mais d'habitude, il y a un public. Où est-il dans le cas présent ? A qui s'adressent ces mises en scènes ?
J'allume mon ordinateur, transfère mes images, consulte mes mails. Encore une relance de Willy. Il a la pression. Notification de Meetic. Un nouveau message. Spams, poubelle. Invitations à des vernissages, pas le temps.
Je place toutes les images dans un ordre déterminé, juste visuellement, puis en fait un diaporama. Je me le passe, change l'ordre, l'intervalle de temps les images, ajoute un fond musical, me le repasse. Santana. C'est bon ça. Cela pourrait faire l'objet d'une exposition dans une galerie branchée du Marais. C'est évident. Je sniffe. Je n'y avais pas pensé. Je l'ai fait instinctivement au second passage. Merde, c'est bon. Le sniff et le diaporama. Titre de l'exposition, « J'irai cracher sur vos ombres ». Juste les images. Des mots me viennent, en incrustation. Je les ajoute au diaporama. Main. Pied. Douleur. Nouvel an. Feu. Eternité. Mise en scène. Reconnaissance. Spectacle. Paris. Mer. Local. Couleur. Odeur. Fleur de sel. Mon estomac se noue. J'entends les bruits d'une fête. Une bonne odeur de bois brulé dans une cheminée. La neige qui tombe au sol sans fondre. Un froid glacial. Du monde, beaucoup de monde, du va et vient. L'interphone qui n'en finit pas de sonner et la grande porte d'entrée de claquer. De la bonne musique des années 80. Des mots. Générations. Champagne. Musique. Pizza. Pelle. Regard. Lit. Espoirs délaissés. Photo. Illusions. Blanc. Baignoire. Cuisine. Bleu. Pétard. Froid. Bois brulé. Ils viennent de plus en plus vite puis disparaissent. Une grosse fête dans un appartement cossu. Je connais cet appartement. J'étais à cette fête. Je reconnais des têtes, des jambes, des mains, des seins, des yeux, des barbes de trois jours, des lèvres. Champagne, alcool, cocaïne. Le défilé devant les toilettes. Je reconnais cette main, ou plutôt ces doigts. Que font-ils là, à nettoyer des verres dans l'évier de la cuisine ? Ceux de la victime. C'est cette maudite poudre jaune qui m'embrouille la tête maintenant.
Extrait du roman policier "La Performance"