Ceci n’est pas un roman. Ou peut-être en est-ce un et je ne m’en suis pas rendu compte. Après tout, ceci importe peu.
L’expérience a été très enrichissante, fort surprenante. J’ai débuté un blog à un moment ou un autre de la noble et sainte année 2011, à un moment donné où je me suis rendu compte avoir perdu deux de mes ouvrages, pas une grande perte pour l’humanité mais un triste constat pour l’invétéré scribouilleur que je suis. J’ai alors placé sur mon site mes différents textes, ai édité quelques-uns d’entre eux moi-même puis des maisons d’édition ont suivi. Je me suis ensuite pris au jeu du direct ‘bloggien’ et ai commencé à écrire des lignes sans intérêt particulier. J’aurais pu m’arrêter là et la chose n’aurait jamais aboutie.
Mais, la discipline est venue, elle était nécessaire. Puis le narrateur a pris le dessus, comme d’habitude, et il s’est aventuré dans un monde que je ne connaissais pas vraiment. Les choses ont évolué, des amis improbables l’ont rejoint, des réalités se sont succédées dans lesquelles les chaos et soubresauts du nôtre éveillaient quelques échos légers et anachroniques. Tout cela a dérivé lentement et sans que l’auteur que je prétends être n’ait pu intervenir de manière directe et incisive.
Non ! Loin de là.
Je me suis pris au jeu, j’ai laissé le narrateur se débrouiller avec son grille-pain, son autruche volante, sa Maria au regard si profond qu’il s’est en permanence noyé dedans, et tant d’autres personnages parfois chaleureux, souvent dépressifs, quelques fois répulsifs.
Une page et demie par jour, chaque soir, autant que faire se peut. Ma discipline, mon écumoire de cervelle à moi, cette implacable logique qui permet de triturer les bas-fonds de mon cerveau agonisant et lui extraire des jus de littérature, ou ce qui en fait office. Et des mois d’errance ont suivi, dictant leur prose et assenant leur logique. Nuit après nuit. Heure après heure.
Une finalité s’est dessinée et ce qui devait être une succession de chronique sans véritable début et sans fin évidente, s’est transformée en périlleux exercice d’écriture sans filet avec à terme, une sorte de début, un prologue indispensable pour cadrer les personnages et cerner la logique de l’aventure, trois parties de tailles inégales encadrant des réalités multiples et diverses, et une postface indispensable pour ramener mes chers personnages à bon port et leur permettre de reprendre pied avec une réalité qui, me semble-t-il n’est guère moins déroutante que celle que nous vivons au jour le jour dans un monde qui s’éclipse sournoisement et nous laisse seuls avec nos démons et pour ce qui me concerne cet affreux sentiment d’impuissance.
Puisse ce livre, je ne trouve pas d’autres mots pour le décrire, servir à quelque chose. J’en doute un peu, je l’avoue. Mais si l’un ou l’autre des lecteurs ou lectrices potentiels devait y trouver une nourriture à sa nécessaire exaspération, je crois que cela me ferait sourire dans mon désarroi. J’aurais accompli quelque chose, contribué à un dessein qui peut-être se forme quelque part là où on ne le voit pas encore.
L’écriture est un oxygène pour l’auteur qui cherche un dessein à ce qui n’en a probablement pas.
L’art est le cœur de ce qui autrement ne serait que robotique.
Les lecteurs et lectrices sont les ultimes yeux d’un monde qui cherche désespérément à s’aveugler pour mieux disparaître.
Je vous laisse ceci pour votre amusement car, après tout, ces chroniques se voulaient plaisantes voire même comiques et il me semble qu’en dépit des traits forcément rudes et souvent difficiles, c’était nécessaire convenons-en, ces traits n’en sont pas absents, loin s’en faut.
Ceci n’est pas un roman. Ou peut-être en est-ce un et je ne m’en suis pas rendu compte. Après tout, ceci importe peu.
Merci.