J'ai eu raison de me dépêcher. J'ai croisé Willy Ronis et sa copine juste devant mon scooter. C'est une petite étudiante de la Sorbonne. Je dirais Lettres Classiques. Il n'assume toujours pas son penchant pour les petites jeunettes. Elle est plutôt mignonne et n'a pas l'air si délurée que ça. Je l'aurais bien draguée, mais j'ai quelques principes : « no zob in job ». Déjà que l'amitié dans le travail ce n'est pas facile, mais alors le sexe... Quand il m'a aperçu, il a fait mine de ne pas me voir. Ils se sont embrassés à deux mètres de moi, à peine. J'ai rangé mon casque dans le coffre faisant mine de me préparer à partir. Le planton regardait en l'air. Il fait très bien celui qui ne remarque rien. Willy est passé sous le porche et elle a tourné les talons. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu envie de la suivre. Je crois que je voulais vérifier que mon intuition était juste, qu'elle était bien étudiante en Lettres Classiques à la Sorbonne. De toute façon, elle prenait la même direction que moi. Alors, que je prenne le scooter ou que j'y aille à pied ne changeait pas grand-chose. Et puis, j'avais besoin de me changer les idées pour laisser tout ça décanter. Je dois dire qu'elle a un beau cul bien roulé dans son jean et qu'elle se débrouille bien avec ses talons sur le trottoir verglacé. On dirait qu'elle marche sur des oeufs sans en casser un seul. Je la suis à distance respectable. Il y aura bien un feu rouge qui me permettra de revenir à sa hauteur. Mes mains se logent naturellement dans les poches de mon blouson. Sans y prendre garde, mes doigts serrent le petit bocal de pigments.
Extrait du roman policier "La Performance"